KA-OS, LA CHENILLE ET LE PUNK : une petite chronique ana(r)chronique

Once upon a time, parce que toute les histoires devraient commencer par : il était une fois.....

Ka-os cheminait tranquillement dans la vaste prairie.

Devant elle des formes immenses et hirsutes se dressaient sur son chemin, l'obligeant à escalader ou à contourner tous ces obstacles.

Ka-os était née en Août de l'année passée d'un œuf minuscule, rond et vert clair, pondu en un beau mois de Juillet et placé à l'envers d'une feuille d'ortie.

Elle y avait passée une partie de sa vie à manger ladite feuille et ses voisines en compagnie de ses frères et sœurs sortis eux aussi de leurs œufs minuscules.

Leur mère avait bien choisie cette belle ortie car elle avait pu les nourrir une bonne partie de leur enfance et, lorsqu'ils en eurent fini avec elle, ils avaient tous pu migrer vers d'autres orties dans ce grand champ urticant, ce qui ne les avaient pas empêcher de manger aussi au passage quelques oseilles, pissenlits, chardons et feuilles de saule.

Ka-os était polyphage.

Un hiver était passé pendant lequel Ka-os avait hiberné.

L'enfance était finie, et, en cette mi-juin Ka-os était entrée dans l'adolescence. Il lui fallait trouver l'endroit idéal, au sol afin d'y tisser son cocon, y faire sa chrysalide et se transformer enfin un bel et élancé imago.

Ka-os était une chenille.

Twice upon a time, parce que dans toutes les histoires qui commencent par il était une fois, il devrait y avoir un : il était deux fois.....

Guy (Ndlr, par souci d'anonymat le prénom a été changé) Ness arpentait son jardin hirsute depuis un petit moment.

La première fois que l'on arrivait dans le jardin de Guy on se disait : »je vois bien la friche sauvage mais, où est le jardin ? »

Il était né dans une morne et triste banlieue grise, une cité HLM coincée entre le béton des immeubles et le bitume de l'autoroute A86.

La seule nature qu'il connaissait dans sa jeunesse était constituée de haies de cotoneasters, de forsythias et de pyracanthas, toutes taillées au cordeau et de quelques bout de pelouses miteuses rasées à ras tous les 4 matins par quelques jardiniers peu soucieux de nature.

Autant dire que ça vous rend la nature indispensable.

Ses promenades dominicales avec ses parents et ses frères se résumaient à quelques sorties dans des forêts domaniales bordant des barres d'immeubles glauques à n'en plus finir et jonchées des détritus rejetés par la ville et les hommes. Troncs noircis par la suie des pots d'échappement et déchets plastiques apportés là par le vent et les pique-niqueurs du dimanche.

Il était allé une fois dans un de ces quartiers pavillonnaires bourges avec ses haies de thuyas uniformes elles aussi trop bien taillées pour être honnêtes.

La nature, Guy en rêvait en secret chaque soir lorsqu'il regardait les nuages depuis la petite fenêtre de la salle de bain, et il s'était juré qu'un jour il aurait un grand jardin à lui dans lequel la vie serait plus verte.

A 15 ans, la vague Punk avait déferlée sur la France, Pistols, Clash, Métal Urbain et surtout, surtout, Béruriers Noirs. Guy avait assisté à quelques un de leurs concerts et en avait gardé cet état de révolte permanente contre toutes les injustices et la connerie humaine.

A 50 ans, son rêve était devenu réalité. Depuis près de 20 ans, il possédait son coin de nature à qui il foutait une paix royale et conduisait son jardin en permaculture.

Guy était punk et permaculteur, une sorte de Punkmaculteur si l'on peut dire.

Sa philosophie était simple, faire le moins possible et laisser faire la nature.

D'un terrain hygromorphe et marécageux qui servait de décharge sauvage, il avait fait un havre de paix et d'accueil pour la biodiversité.

Once upon a time bis

Ka-os mesurait 60mm car elle en était à son dernier stade de développement. Son corps était brun-noir et recouvert de jolies touffes de soies serrées, issues de petites verrues blanches disséminées sur tout son corps. Ses soies dorsales et latérales étaient plus longues et d'un brun sombre quoique plus claire à l'apex quand à ses soies ventrales, elles étaient plus courtes et de couleur rousse. Sa tête était relativement petite, d'un noir luisant et son appétit avait été grand durant sa croissance.

Demain, bientôt, Ka-os serait un papillon de 65mm de long aux ailes antérieures blanc crème, maculées de taches brunes, dont la forme et les proportions peuvent varier, et aux ailes postérieures, cachées par les antérieures au repos, orangées et ornées de taches d'un bleu métallisé.

Oh, elle aura bien des prédateurs dont elle devra se méfier mais son espèce possède une défense imparable contre les pires d'entre eux, les chauves-souris. Certains papillons se laissent tomber au sol, là ou les chauves-souris ne peuvent les attraper, quand d'autres, perturbent le système de détection des chiroptères en produisant des clics sonores à leurs approches ce qui fait qu'ils disparaissent de son écran radar.

La famille de Ka-os, les Arctiidae, fait un tel vacarme, que les chiroptères énervés changent de cap.

Ecaille martre ou Ecaille hérissonne ou Hérisonne

Twice upon a time bis

Quand Guy avait acquit son terrain, celui ci était un marécage en période pluvieuse et sec comme un coup de trique en été, peu de choses y poussait et les gens des alentours avaient pris pour habitude d'y déposer tous leurs encombrants. Il lui avait fallu dans un premier temps nettoyer le terrain en triant le bois, les gravats et les pierres et les déchets inutiles et potentiellement dangereux en 3 tas distincts. Tout les déchets non récupérables étaient partis en déchetterie et, pour le reste, Guy les avaient intégré dans la création de son jardin.

Guy avait creusé plusieurs mares et bassins afin d'y recueillir et d'y capter les eaux de pluie, la terre extraite avait été utilisée afin de recouvrir une colline de gravats qui voyait aujourd'hui pousser profusion de fleurs et d'arbrisseaux mellifères pour le plus grand plaisir des butineurs en tout genre. Dans les parties les plus ensoleillées, des tas de pierres et quelques plaques de métal servaient de refuges aux reptiles tels que lézards et serpents et des tas de bois étaient disséminés un peu partout sur le terrain pour servir d'abris à une foultitude d'insectes et de hérissons qui y trouvaient le gîte et le couvert.

Les 5 premières années, le sol avait été recouvert d'un broyat de branches et de vieux bois, de paille et de fumier aux endroits les plus pollués afin d'y appliquer les principes de la mycoremédiation grâce à l'une des formidables capacités du mycélium de briser des chaînes de molécules, de séquestrer, d'ingérer, voire de dissoudre des métaux lourds, des poudres de roches, des produits chimiques et même d'accumuler des radiations et de les transformer en matières organiques inoffensives après transformation*.

Chaque point d'eau avait été ceinturé de végétaux de ripisylve et d'un autre cercle de ce mélange de broyat de bois.

Une partie de la terre extraite des bassins avait servie à créer des buttes surélevées ou Guy avait pu, dès la première année, commencer à cultiver ses légumes. Il avait adopté cette technique de la permaculture car il ne pouvait décemment pas cultiver dans des sols gorgés d'eau.

Au fil des ans, Guy avait modifié la physionomie de son terrain et seul, le bas du terrain avait été conservé en marécage naturel. Guy avait planté quelques plantes carnivores et certaines avaient survécu, s'étaient ensauvagées et commençaient à se reproduire.

Le champ d'orties de Guy voyait passer profusion de papillons qui venaient s'y reproduire, des Brocatelle d'or (Camptogramma bilineata) qui se nourrissaient aussi de Mouron des oiseaux, d'Oseilles, de Gaillets, de Potentilles, de Pissenlits,....., La Plusie vert-doré (Diachrysia chrysitis) et de tant d'autres insectes encore.

Plusie vert doré

Brocatelle d'or

Le champ était « coincé » entre un étang, ou la faune aquatique trouvait tout se dont elle avait besoin et ou, à la belle saison, différentes espèces de libellules et de demoiselles vrombissaient à la recherche de partenaires sexuels et de nourriture, et une forêt de plantes locales et de différents fruitiers, noyaux jetés au hasard et scions d'arbres à pépins plantés au petit bonheur la chance, tous envahis de plantes grimpantes, chèvrefeuilles parfumés, kiwaïs, clématites sauvages et variétés horticoles ensauvagées,....

Toutes les plantes et tous les animaux y avaient leurs places et l'équilibre écologique s'était installé depuis maintenant plusieurs années.

Batraciens, serpents, lézards, insectes, renards, hérissons, oiseaux en tous genres,..... peuplaient cette zone ensauvagées ou la seule intervention de Guy ne se résumait désormais plus qu'en une tonte bisannuelle pour les allées et un peu de fauche au abord de certaines mares et des zones fruitières.

Son jardin avait une apparence chaotique, un véritable jardin chevelu, punk et mal rasé mais ou tous les points d'eau, les tas de bois, les tas de pierres et même les petites collines avaient été créés par la main de Guy.

Guy était un homme heureux.

Il avait vu voleter les nuits de l'été passé, plusieurs Ecailles martres ou Ecailles hérissonnes ou Hérissonnes (Arctia caja) et il était à 4 pattes, penché en avant, à observer Ka-os en train de fabriquer son cocon pour amorcer sa nymphose, en sachant que, le mois prochain, il verrait le papillon qu'elle serait devenue.

Guy avait créé le paradis de Ka-os sur Terre.

Marc et Naomi   pour les Enfants de Gaïa, Gardiens de la Terre, Semeurs de Vie, Passeurs d'Espoirs

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* article à venir sur la mycoremédiation